Des BD en pagaille #67

Aspic, Détectives de l’étrange, tome 1 : La naine aux ectoplasmes. Scénario de Thierry Gloris. Dessin et couleurs de Jacques Lamontagne. Editions Soleil, collection Quadrants. 48 pages. 2010.

Une célèbre médium est assassinée et la police met sur le coup le célèbre détective Dupin, tandis que sa stagiaire Flora s’occupe d’une affaire de montre volée.

On est ici dans du policier fantastique assez classique. Tellement classique que la plupart des personnages rencontrés ont été empruntés à la littérature populaire du 19e et début du 20e siècles. La recette reprend également celle des livres dont les auteurs s’inspirent. Citons Poe, Balzac ou Hugo pour les plus mémorables. La différence avec ces auteurs étant que l’héroïne est une femme et qu’elle est loin de se fondre dans les standards de l’époque.

L’intrigue est bien menée, il y a beaucoup d’action et de retournements de situation. Là encore, ça ressemble aux classiques du genre. Il y a également de l’humour et beaucoup d’ironie. On n’est pas réellement dans la parodie, mais les auteurs n’hésitent pas à se moquer un peu de leurs modèles et à détourner leurs oeuvres.

Le dessin m’a plu, j’ai trouvé qu’il était adapté au récit. Les visages des personnages ont un côté un peu « cartoon » qui s’opposent à des décors et costumes très précis et plutôt réalistes. Les deux se complètent bien et contribuent à l’ambiance à la fois lumineuse du Paris de la Belle-Epoque et au côté glauque de l’intrigue policière.

Une découverte sympathique, une lecture distrayante et assez accrocheuse. Dommage qu’il faille lire la suite pour découvrir le fin mot de l’histoire, d’autant que la série compte déjà 7 tomes et n’est apparemment pas terminée.

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Les Fées Valentines tome 1: Traversine au Bois Dormant. Scénario de Béka. Dessins et couleurs de Crip. Editions Dargaud. 48 pages. 2016.

Perle et Brume, étudiantes à l’école des Fées Valentines, sont chargées de trouver un Prince Charmant pour Traversine, la fille de la Belle au Bois Dormant.

Voilà une BD au premier abord mignonne et rigolote, qui transpose le monde des contes de fées dans notre époque contemporaine. Le ton est plutôt humoristique et il y a plein d’idées super originales. Jusque là, tout va bien, ça ressemble à une BD jeunesse très très rose qui s’adresse typiquement à un public de fillettes, avec des dessins assez mignons aussi.

Le problème, ce sont les messages véhiculés dans cet album. Liste non exhaustive: les célibataires sont des personnes déprimées, sur lesquelles on doit s’apitoyer, dont la seule consolation est de se gaver de chocolat pour supporter la Saint-Valentin; la seule perspective d’avenir d’une princesse est de se marier, point barre; son futur époux doit être un Prince Charmant, pas dans le sens héritier de la couronne, mais dans le sens bogosse (à un moment, la remarque est faite qu’un jeune homme boutonneux est peut-être très gentil et donc un candidat au poste, mais l’option est écartée immédiatement, un Prince Charmant doit être beau); les personnages tombent amoureux au premier regard et se mettent en couple sans prendre le temps de se connaître (typique des contes de fées, d’accord, mais l’intérêt de la réécriture n’est-elle pas de remettre en question ces stéréotypes?), ce qui est d’autant plus malvenu que le premier personnage masculin rencontré est présenté comme un homme infidèle pour qui les femmes sont interchangeables. Je m’arrête là, mais j’aurais pu étoffer cette liste. Et la BD fait moins de 50 pages…

Je m’interroge sur le genre de messages qu’on veut transmettre aux fillettes qui sont la cible de cette BD. Sérieusement, c’est ce qu’on veut mettre dans la tête des enfants au 21e siècle?! Je suis d’autant plus perplexe que la note sur LivrAddict est de presque 18/20. Est-ce que les gens qui ont noté cette BD ont lu la même que moi?!

J’avais prévu de donner cet album à ma nièce, mais après lecture il est hors de question de lui mettre entre les mains une histoire bourrée de stéréotypes sexistes et réactionnaires qui lui feraient penser que son seul but dans la vie devrait être de se trouver un mec et que se marier est une fin en soi.

J’ai été atterrée par les valeurs véhiculées par cette histoire, ce d’autant plus qu’elles sont insidieusement cachées sous un emballage mignon. Je vous déconseille très vivement de faire lire cette BD à vos filles. Encourageons-les plutôt à lire des récits qui boostent leur confiance en elles et les incitent à réaliser leurs rêves, ils ne manquent pas.

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Les Aventures de Jak et Bil au Gabon: Le Secret de l’Ivoire. De Jacques Ortet. Editions Bookelis. 72 pages. 2020.

Jak arrive au Gabon avec Bil, son oiseau de compagnie, pour effectuer un reportage photo. A peine arrivés, ils sont confrontés à un gang de malfaiteurs.

J’ai lu cette BD grâce à NetGalley, merci pour cette lecture 🙂

Attention, il ne s’agit pas d’un tome 1! On comprend l’intrigue sans problème, mais on passe à côté des références qui sont faites à des évènements passés.

Sur le fond, ça ressemble à une aventure de Tintin. Remplacez le reporter par un photographe et Milou par un oiseau qui parle et vous aurez l’impression de ne pas être tout à fait en terrain inconnu. Si le schéma est assez proche, la comparaison s’arrête là. Jak est relativement passif face aux évènements (il assiste à un enlèvement sans broncher et vaque à ses occupations comme si de rien n’était: ça ne le regarde pas…), à moins de courir un danger. Il faut un long moment avant qu’il s’implique réellement dans la résolution des mystères autour de lui.

Mais le but de l’auteur était visiblement plutôt de nous faire découvrir le Gabon et, à défaut d’être réellement prenante, la BD est très instructive. On apprend beaucoup de choses sur le pays et on visite beaucoup de lieux emblématiques, on rencontre de nombreux personnages, on découvre des spécialités culinaires, etc. J’ai trouvé que c’était trop didactique et scolaire (par moments, j’avais l’impression de lire un extrait d’encyclopédie, c’est un peu dommage), mais c’était intéressant. Je ne suis pas assez informée sur le Gabon pour l’affirmer, mais j’ai tout de même eu l’impression que la BD véhiculait quelques clichés sur la population, ce qui m’a un peu dérangée.

Pour ce qui est des dessins, j’ai été surprise par le style. Je l’ai trouvé assez original pour les personnages et plutôt agréable pour les paysages. Ce n’est pas ce que je préfère, mais ça change de ce à quoi je suis habituée et c’était sympa de découvrir quelque chose de nouveau pour moi.

Cette BD me semble s’adresser à un public plutôt jeune, je n’étais donc pas la cible. C’est probablement pour cela que je n’ai pas spécialement accroché à cette lecture. Je pense malgré tout qu’elle peut plaire à d’autres lecteurs et je vous la conseille si vous avez envie de découvrir le Gabon ou si vous appréciez le genre.

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6 commentaires pour Des BD en pagaille #67

  1. Je te rejoins sur Aspic 🙂

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