Ils ne me laisseront pas un souvenir impérissable #26

Eden, tome 1 : Le mirage de Gemma. De Blandine P. Martin. Editions Bragelonne, collection Snark. 232 pages. 2017.

Une portion de l’humanité a fui la Terre en guerre et a trouvé refuge sur Gemma. Eden est une Alpha, une assassin d’état qui règle leur compte aux opposants du régime. Sa nouvelle mission: infiltrer une organisation de rebelles.

Autant le dire tout de suite, je n’ai pas du tout adhéré à cette lecture. Même en tenant compte du fait que je ne suis pas le public-cible, il y a énormément de choses qui ne vont pas dans ce roman selon moi. Il y a beaucoup d’incohérences, que ce soit dans l’intrigue ou dans les personnages. Les explications qui viennent après coup ne sont pas crédibles et s’ajoutent aux nombreuses grosses ficelles et facilités d’une histoire bourrée de clichés.

L’écriture ne permet pas de racheter les défauts du texte. Ce n’est pas mal écrit, mais c’est souvent maladroit. On sent l’autrice débutante (du moins j’espère que c’était le cas) qui fait des efforts pour bien faire et proposer des images un peu recherchées, mais ça ne fonctionne pas. Un exemple? « La pâleur de son teint s’octroyait fièrement les faveurs de la luminosité ambiante. » On voit en gros ce que l’autrice essaie de dire, mais la phrase en elle-même n’a pas grand sens (et c’est la dernière phrase d’un paragraphe entièrement dans cette veine). Je ne sais pas non plus ce que sont des « doigts de porcelaine » et le mot « juxtaposer » ne veut pas dire ce que pense l’autrice. Pour ne citer que ce qui m’a le plus frappée.

Je ne blâme pas l’écrivaine, ici. Le problème vient de l’éditeur, qui semble ne pas avoir relu ce texte avant publication. On peut écrire une romance dystopique classique et intéresser un lectorat amateur du genre même sans faire preuve d’originalité. Mais ici il y a un gros manque d’approfondissement, que ce soit dans le développement de l’univers, qui était très prometteur, ou dans la construction de personnages qui ne sont pas cohérents avec eux-mêmes d’une part; ensuite, des corrections auraient dû être apportées au texte là où il manque de lisibilité dans le style.

Ajoutons à cela que j’ai trouvé l’héroïne stupide et très pénible (les autres personnages ne valent guère mieux). Et l’aspect « romance » m’a aussi posé problème dans son traitement: Eden s’insurge d’un baiser forcé, mais enchaîne en se disant que, quand même, c’était bien agréable. Sérieusement…

Pour résumer, j’ai trouvé cette histoire simpliste, peu crédible et sans originalité dans son propos, alors que pourtant certaines idées étaient bonnes, notamment ce qui concerne la planète d’accueil, qui avait un gros potentiel. Un gros gros fail, c’était plus ou moins le festival du facepalming du début à la fin.

***

Les neuf Visages du Coeur. D’Anita Nair. Editions Philippe Picquier poche. 598 pages. 2005.

Chris arrive en Inde sous le prétexte d’écrire un livre et dans le but de rencontrer Koman, un célèbre danseur. Radha et Shyam, enfermés dans un mariage insatisfaisant, vont voir leur relation se désagréger un peu plus du fait de sa présence.

Nous sommes ici dans un roman se déroulant sur deux temporalités: le présent, dans lequel se noue un triangle amoureux entre Chris, Radha et Shyam, sous les yeux de Koman; le passé de Koman et de sa famille, qui nous est raconté par celui-ci, sur une grande partie du 20e siècle.

Les « neuf visages du coeur » du titre sont les expressions que doivent figurer les danseurs de kathakali, dont Koman est un célèbre artiste, lors de leurs représentations. Chaque chapitre porte le nom d’une de ces émotions, qui nous est expliquée et est mise en rapport avec les évènements dont on va nous parler.

Dans chacun de ces (longs) chapitres, les personnages vont tour à tour prendre la parole pour nous raconter leurs histoires, nous exposer leurs pensées et leurs sentiments. A chaque changement de point de vue, le nom du protagoniste que l’on va suivre est indiqué, mais même sans cela, il serait facile de savoir qui parle, l’autrice ayant donné à chacun sa propre façon de s’exprimer (il n’y a que dans le dernier chapitre que j’ai eu du mal à différencier deux d’entre eux dans la façon de raconter).

L’accent mis sur la danse et l’aspect historique sont les points forts du roman. La critique de l’ignorance des touristes est également intéressante.

Si ce roman se retrouve malgré tout dans un billet sur mes lectures oubliables, c’est que je me suis beaucoup ennuyée. Je n’ai pas apprécié les personnages et les relations entre eux, alors que c’est ce qui forme la trame de l’intrigue. Leurs atermoiements amoureux m’ont plus agacée qu’émue ou intéressée. Du coup j’ai trouvé le temps très long, j’avais l’impression que je ne verrais jamais la fin de ces presque 600 pages… Si je n’avais pas voulu en apprendre plus sur le kathakali,  dont je n’avais jamais entendu parler avant d’ouvrir ce livre, j’aurais abandonné ma lecture. Une fois refermé, je me demande si ça valait bien la peine que je m’accroche jusqu’au bout.

Malgré tout, ça n’en fait pas un mauvais livre. Si vous aimez les histoires qui se penchent sur les relations amoureuses compliquées et les sentiments des personnages, le tout dans un contexte dépaysant, c’est un roman qui pourrait vous plaire.

***

C’est pour mieux te manger. De Kim Ji Yeon. Editions Matin calme. 231 pages. 2019.

Résumé de l’éditeur: L’homme est un loup pour l’homme.

Brave Minjue, elle a fait toute la route depuis la campagne pour rendre visite à sa grand-mère Sooja, avec des courses plein le coffre de la voiture. Elles ont parlé un peu. Elles ont caressé le chien. Ensuite la colocataire de Minjue a fait une promenade avec la vieille dame. Elles ont papoté, mère-grand a raconté des bribes de sa jeunesse. C’était un après-midi ordinaire. A ceci près que mère-grand, Sooja, était morte quelques semaines plus tôt.

Voilà un thriller qui me tentait énormément et pour lequel j’avais beaucoup d’attentes à cause de la dernière phrase du résumé. Et dans l’ensemble les idées étaient plutôt bonnes, même si pas mal d’éléments restaient prévisibles.

Mais le traitement de l’intrigue ne m’a pas du tout convaincue. J’ai trouvé l’ensemble de l’intrigue très brouillon: on passe souvent d’un personnage à l’autre sans trop savoir qui est qui et on fait des bonds entre le passé et le présent presque constamment, ce qui a encore accentué ma confusion. J’ai eu un peu de mal avec les noms coréens, dont beaucoup se ressemblaient, alors que j’y suis habituée. Si ce n’est pas votre cas, vous risquez de galérer encore plus, surtout que le contexte sociétal est différent du nôtre et que certaines choses pourront vous paraître anormales ou pas crédibles, alors qu’elles le sont en Corée.

Cette lecture a été une vraie déception. Pas que ce soit réellement mauvais: il y a vraiment des idées intéressantes, les thèmes abordés (comme la réflexion sur la vieillesse, la solitude, etc) le sont aussi et certains passages auraient pu être vraiment palpitants. Mais je reste sur une impression de confusion (voulue? probablement pas toujours), le texte m’a semblé très décousu et la plume pas agréable, simpliste, sans profondeur. Je ne saurais pas dire dans quelle mesure ce qui m’a gênée est due à la traduction, mais je me dis que si l’original a de vraies qualités stylistiques, la version française devrait les refléter au moins en partie.

Un roman qui n’a pas tenu ses promesses malgré des idées intéressantes. Dommage.

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8 commentaires pour Ils ne me laisseront pas un souvenir impérissable #26

  1. Je n’ai entendu parler d’aucun de ces trois romans, mais de toute façon je pense qu’ils ne m’auraient pas intéressée non plus. Je n’aime pas les dystopies et le sujet de la danse ne m’intéresse pas du tout. Il n’y a que le 3e, dont le pitch est intriguant, à cause de la dernière phrase. C’est dommage qu’il n’ait pas été à la hauteur.
    On ne peut pas tout aimer… 😉

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  2. « On sent l’autrice débutante (du moins j’espère que c’était le cas) qui fait des efforts pour bien faire et proposer des images un peu recherchées, mais ça ne fonctionne pas. » C’est LE truc qui me rebute le plus dans un style. Je préfère quelqu’un qui assume son style quitte à faire, surtout au début, simple, que quelqu’un qui veut coller à l’image de ce qu’il pense devoir faire. Je te rejoins, ça devrait être corrigé lors de l’étape de relecture/correction de la ME… Je pense lire les premières pages quand même pour me forger une opinion sur Eden mais si ça ne fonctionne pas, je n’aurai aucun scrupule à le faire sortir de ma PAL maintenant que j’ai lu ton avis.
    Dommage pour C’est pour mieux te manger qui aurait clairement pu me plaire !

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  3. Madame_Love dit :

    Ah ben moi qui ait Eden dans ma PàL ^^’
    Je ne me sens pas encouragé à l’ouvrir.

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