Les Exploits du Professeur Challenger

Le Monde Perdu. D’Arthur Conan Doyle. Editions RBA, collection Les maîtres du fantastique. 274 pages. 1912.

Le Professeur Challenger, considéré comme un charlatan par le monde scientifique, prétend avoir découvert un « monde perdu » où vivraient des espèces disparues. Une expédition composée du Professeur Summerlee, détracteur acharné de Challenger, du célèbre aventurier Lord Roxton et du jeune journaliste Edward Malone est mise sur pied pour enquêter sur les dires de Challenger.

On est ici dans le roman d’aventures assez classique, avec un élément scientifique: est-il possible que, quelque part sur Terre, des dinosaures aient échappé à l’extinction et survivent dans le plus grand secret?

C’est le genre de classique du genre que j’aime bien. On visite des régions plus ou moins inexplorées avec les moyens du début du 20e siècle, on rencontre des espèces ou peuplades improbables, il y a de l’action et des aventures pas très crédibles, mais assez amusantes à suivre avec le recul du lectorat contemporain.

Les personnages ne sont pas follement sympathiques: Challenger est une brute colérique et arrogante; Lord Roxton est un chasseur qui a un souci de justice sociale à géométrie variable (libérer des esclaves, oui, mais traiter les « indigènes » comme ses égaux, sûrement pas); Summerlee  est assez borné et Malone n’est pas forcément le couteau le plus affûté du tiroir. Dans l’ensemble, on les suit malgré tout avec plaisir, parce qu’on n’a jamais le temps de s’ennuyer. Le gros point noir est le traitement des personnages féminins. Elles sont deux: la première est l’épouse de Challenger, qui tient tellement d’importance dans l’histoire que j’avais littéralement oublié son existence; la seconde est l’intérêt amoureux de Malone, une pimbêche caractérielle et dédaigneuse qui n’a aucune qualité. On est dans un livre de mecs, point barre.

Le style est typique de Conan Doyle, ça se laisse lire même si la plume/la traduction est un peu vieillotte. On n’a pas le temps de s’ennuyer, il se passe toujours quelque chose. Même si ça manque de crédibilité, ce n’est pas gênant, on sait à quoi s’attendre en ouvrant ce genre de roman et, si on passe sur son côté très sexiste, il m’a apporté exactement ce que j’en attendais. A noter que cette édition est illustrée avec des gravures d’époque.

Une bonne lecture, distrayante et sans prise de tête.

Le Professeur Challenger et la Ceinture empoisonnée. D’Arthur Conan Doyle. Editions RBA, collection Les maîtres du fantastique. 364 pages. 1913-1929.

Ce livre est un recueil composé de 3 nouvelles et un roman, dans lesquels nous retrouvons le Professeur Challenger et ses comparses du Monde Perdu dans de nouvelles aventures plus axées sur la SF.

La Ceinture empoisonnée. 86 pages. 1913.

La ceinture du titre n’est pas un article de mode, mais une ceinture de gaz traversée par la Terre au cours de sa course autour du soleil. D’après le Professeur Challenger, ces gaz sont empoisonnés et annoncent la fin du monde. Après avoir alerté la presse du désastre à venir, il se cloître dans sa maison avec son épouse et ses compagnons d’aventures et une réserve de bombonnes d’oxygène, dans le but  de survivre le plus longtemps possible pour observer les évènements.

Aujourd’hui, le scénario de cette nouvelle est risible, mais en le replaçant dans le contexte de 1913, il est assez intéressant. C’est de la SF dépassée pour nous, mais les lecteur-ice-s de l’époque devaient y trouver matière à réfléchir, l’auteur étant médecin et scientifique.

La nouvelle est un peu longue par rapport à son contenu, mais contient quelques idées intéressantes.

Quand la Terre hurla. 32 pages. 1928.

Challenger se met en tête d’attirer l’attention de la Terre, qu’il considère comme un être doué de conscience, en creusant pour atteindre son système nerveux, qu’il se propose de stimuler pour tenter de communiquer avec elle.

L’idée est originale, il fallait y penser 😆 En dehors de ça, j’ai peu de choses à dire sur cette histoire, la nouvelle étant très courte. Le côté technique de l’intrigue est assez poussé, il aurait peut-être été plus intéressant de se pencher davantage sur l’aspect philosophique de l’affaire.

A noter qu’ici le narrateur n’est pas Malone, comme dans les histoires précédentes, mais l’ingénieur qui fournit le matériel.

Nouvelle sympathique, mais probablement pas très marquante à long terme.

La Machine à désintégrer. 16 pages. 1929.

Un savant invente une machine à désintégrer la matière et se propose de la vendre au plus offrant, soit une puissance étrangère décidée à l’utiliser à des fins militaires. Challenger et Malone décident de vérifier si la machine existe réellement.

Une nouvelle pessimiste, dans l’air du temps (1929), qui s’inquiète de l’utilisation par les militaires des avancées scientifiques, un thème assez classique de la SF. ça fonctionne bien du fait que l’histoire est très courte et qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer, les évènements s’enchaînent rapidement. Il y aurait eu peu de choses à ajouter, tout est dit et bien dit en restant succinct, ce qui est le point fort de la nouvelle.

Au Pays des Brumes. 225 pages. 1925.

Malone et Enid, la fille de Challenger, tous deux journalistes, enquêtent sur les différentes sectes de Londres et sont embarqués dans une longue découverte du spiritisme, au grand dam de Challenger, qui vocifère contre les escrocs qui font la promotion de cette mode.

Avant de se plonger dans cette lecture, il faut savoir que l’auteur était un adepte convaincu du spiritisme. Ce roman lui sert avant tout à prêcher pour sa paroisse et à expliquer à son public qu’il ne s’agit pas d’une arnaque, mais d’une réalité.

Personnellement je ne crois pas à ce genre de choses, mais soit, pourquoi pas si c’est bien fait, ça peut donner une bonne histoire.

Conan Doyle nous raconte dans le détail la façon dont fonctionne le spiritisme, quelles sont les théories de ses adeptes et les expériences pratiquées pour prouver la véracité de cette croyance, en utilisant ses personnages comme les néophytes qu’il faut instruire. Il s’agit plus d’une succession d’anecdotes que d’un roman avec un véritable fil conducteur. Et le problème, c’est qu’on s’ennuie à mourir! C’est concrètement une suite d’histoires de fantômes et le livre me tombait des mains tellement c’était barbant…

D’autre part, l’auteur nous sort de son chapeau une fille de Challenger dont on n’a aucune idée d’où elle sort. Une douzaine d’années seulement a passé depuis qu’on a fait la connaissance du Professeur (dans cette édition, les histoires ne sont pas dans l’ordre d’écriture) et brusquement il a une fille adulte dont on n’avait jamais entendu parler, suffisamment âgée pour travailler et être l’intérêt amoureux de Malone, qui était un reporter débutant dans Le Monde Perdu. Ajoutons qu’elle est journaliste, profession décriée et maltraitée constamment par Challenger, il ne semble donc pas très logique qu’elle puisse exercer cette profession, malgré l’affection que son père porte à Malone.

Outre qu’on s’ennuie, on n’échappe donc pas à une série d’incohérences sans rapport avec les apparitions spectrales et autres conversations fantomatiques. Même la chasse aux fantômes organisée par Lord Roxton s’embourbe rapidement dans des considérations ésotériques et religieuses peu palpitantes.

Bref, une déception. Il m’a fallu presque deux semaines pour venir à bout de ce roman, la seule raison pour laquelle je n’ai pas abandonné, c’est que j’attendais la confrontation entre Challenger et les spirites, mais elle n’a finalement rien apporté d’intéressant au reste. Dommage.

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6 commentaires pour Les Exploits du Professeur Challenger

  1. Allys dit :

    Le « problème » avec tous les livres de cette époque (et même un peu après), c’est que la femme est toujours un objet, bien souvent incapable de se débrouiller seule.
    Alors, même si, aujourd’hui, on grince des dents, pour l’époque, ce n’était pas du tout insultant. C’est toujours amusant de voir l’évolution de notre place dans l’esprit masculin 😀

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    • ducotedechezcyan dit :

      Pas du tout insultant, ça dépend des personnages, parce que la « copine » de Malone dans Le Monde perdu est vraiment une garce frivole ^^
      Ceci dit on voit l’évolution avec Enid dans le dernier tome, même si ce n’est pas parfait, c’est déjà plus flatteur. Comme tu dis on voit l’évolution.

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  2. Avant d’aller plus loin, il faudra que je tente Le Monde Perdu qui a l’air d’être pile ce que j’aime dans les romans d’aventures, si on oublie le côté sexiste qui a au moins l’excuse de l’époque. Chose que n’ont pas certains livres actuels qui ne font pas mieux…

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    • ducotedechezcyan dit :

      C’est clair que certains romans contemporains n’ont rien à envier aux classiques question sexisme, hélas…
      Le Monde Perdu se lit très bien, si tu apprécies le genre tu ne seras pas déçue 😉

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  3. J’ai relu « Le monde perdu » il y a quelques année (avec les gravures, ce doit être vraiment sympa !) et j’avais grandement apprécié, sauf la misogynie et la construction des personnages féminins – une catastrophe, mais le récit se lit tellement bien, ouf !

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