J’inaugure aujourd’hui un nouveau type de billets qui découle à la fois de 2 catégories présentes sur le blog. Parce que Au Bonheur des Dames est un de mes livres préférés de tous les temps (je ne suis pas du tout excessive ^^) et que j’avais prévu d’en faire l’objet d’un billet Mes précieux. Et parce que, étant une inconditionnelle de ce bouquin, je ne peux évidemment pas m’empêcher de faire ma curieuse en allant voir toutes les adaptations qui me tombent sous la main, raison pour laquelle une de ces adaptations faisait partie de la liste de mon Défi cinéma.
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Au Bonheur des Dames. D’Emile Zola. Editions Folio Classique. 495 pages.
De quoi ça parle?
Orpheline, Denise Baudu et ses jeunes frères débarquent à Paris chez leur oncle paternel, propriétaire d’un magasin de tissus. Mais celui-ci connaît de grosses difficultés, comme tous les commerçants du quartier, suite à l’installation de l’autre côté de la rue d’un des 1ers grands magasins. Le propriétaire, Octave Mouret est un séducteur qui se sert des femmes pour mettre en oeuvre sa vision du commerce moderne. Face à la nécessité de gagner sa vie, Denise va devenir vendeuse du Bonheur des Dames et connaître la vie difficile et miséreuse des « demoiselles de magasin », tandis que les petits commerces agonisent sous les coups du rouleau compresseur contre lequel ils tentent de se battre.
Pourquoi lire ce livre?
Pour commencer, l’auteur fait la part belle aux femmes et à une femme en particulier, Denise, qui va grandir et s’affirmer en temps que personne à part entière, avec ses idées et ses espoirs. Pour ce qui la concerne, Au Bonheur des Dames est un roman initiatique qui la fait évoluer de jeune fille inexpérimentée et ignorante à femme consciente des malheurs de sa classe et libre de ses choix. Pour toutes les femmes de l’histoire, c’est la libération – toute relative – de certaines d’entre elles qui est mise en exergue face à l’asservissement des autres, que ce soit dans la sphère privée ou la sphère professionnelle toute nouvelle qui s’ouvre à elles.
De nombreux autres thèmes sont abordés dans le roman. Retenons en particulier la critique plus ou moins acerbe de la société de l’époque et la mise en parallèle de la riche bourgeoisie oisive et des travailleurs vivant dans la misère; la réflexion sur l’évolution du commerce, encore d’actualité aujourd’hui s’agissant de la comparaison entre la qualité des produits des petits artisans et ceux de la grande distribution; la modernisation et l’urbanisation effrénée de Paris sous la poigne du baron Haussmann; les idées du socialisme naissant prônées par Zola; etc, etc.
Tout ceci contribue à faire de ce roman une oeuvre à la fois classique et novatrice pour son époque, toujours d’actualité aujourd’hui, que ce soit pour le propos social qui y est développé ou pour l’histoire personnelle de Denise. Les personnages sont fouillés, intéressants tout autant par leurs actes que par leurs contradictions. Le contexte social et l’environnement qui forment le décor du récit sont décrits avec précision sans jamais être ennuyeux ou abscons. Pour finir, la plume de Zola est superbe, fluide, et entraîne le lecteur dans un tourbillon d’évènements, d’énumérations et de rebondissements qui maintiennent en haleine jusqu’à la fin, bien qu’il ne s’agisse par d’un roman d’action.
Bref, vous voulez découvrir un roman de Zola, celui-ci est l’un des plus vivants et des plus faciles d’accès de l’auteur.
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The Paradise. Série télévisée créée par Bill Gallagher pour BBC et PBS. Avec entre autres Emun Elliott, Joanna Vanderham, Elaine Cassidy, Sarah Lancashire, Matthew McNulty, Peter Wight. 2 saisons, soit 16 épisodes de 60 minutes.
La série est une adaptation libre du livre de Zola. Libre dans le sens où l’histoire a été transposée dans une petite ville du Nord de l’Angleterre, avec les modifications que cela implique sur le contexte. Libre aussi dans le sens où le propos a été énormément édulcoré. Exit la misère noire décrite par Zola et l’aspect sociétal qui en découle. Exit aussi la critique du commerce moderne. Il reste ici une description légère de la vie dans le grand magasin, les amours de Moray (= Mouret chez Zola) et une partie de l’évolution de Denise. Ici on lorgne plus du côté du soap que d’une vision acerbe et réaliste de la société et de la place des femmes.
La saison 1 reprend globalement le schéma du livre. La saison 2 développe ce qui est censé se passer ensuite. Les 8 1ers épisodes présentent un minimum d’intérêt, notamment pour les personnes n’ayant pas lu le livre et hésitant à le lire qui souhaiteraient s’en faire une 1e idée, mais tout est assez survolé et, comme dit plus haut, très édulcoré. Les épisodes suivants partent un peu dans tous les sens par comparaison et n’ont plus grand rapport avec le livre de Zola. Personnellement je n’ai pas réussi à aller au bout.
A voir par curiosité ou pour se rassurer sur l’accessibilité de l’intrigue.
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Au Bonheur des Dames. Réalisé par Julien Duvivier d’après un scénario de Noël Renard. Avec entre autres Dita Parlo et Pierre de Guingand. Film muet de 1930.
Le film transpose l’histoire en 1930 et la trame de l’intrigue n’est que très globalement respectée. La plus grande partie des personnages a disparu et de nombreuses modifications ont été apportées au contexte. Denise est embauchée comme modèle pour présenter des tenues aux clientes. Mouret quant à lui est résumé quasiment au personnage de séducteur mondain.
Sans être mauvais, ce film n’a selon moi pas réussi à transposer l’esprit du livre, même si la succession des évènements est grossièrement respectée. Dita Parlo ne m’a pas convaincue dans le rôle de la jeune première timide et effrayée, elle avait plutôt tout de la vamp. Globalement les personnages sont antipathiques et caricaturaux et le film est prétexte à raconter ce que j’appelle une pseudo-romance à 2 balles.
A voir si le cinéma de l’époque vous intéresse, mais tout à fait dispensable pour ce qui est de découvrir Au Bonheur des Dames.
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Au Bonheur des Dames. Réalisation d’André Cayatte, d’après un scénario d’André Cayatte, Michel Duran et André Legrand. Avec entre autres Michel Simon, Albert Préjean, Blanchette Brunoy et Suzy Prim. 1943. 88 minutes.
Des 3 adaptations que j’ai vues (j’ignore s’il en existe d’autres), celle-ci est la plus proche de l’oeuvre de Zola, bien que le film ne puisse pas être totalement fidèle au livre compte tenu de l’extrême richesse de celui-ci. Là encore, une partie des personnages a disparu ou n’apparaît que de façon anecdotique. L’accent est mis ici sur la comparaison entre 2 hommes qui voient le commerce de façon opposée, l’un étant magistralement interprété par Michel Simon (même si le jeu de l’époque ne correspond pas à ce à quoi nous sommes habitués), l’autre ayant la prestance (enfin en 1943, c’était de la prestance, en tout cas ^^) d’Albert Préjean, 2 acteurs convaincants dans les rôles qui leur sont attribués; sur la comparaison également entre Denise, jeune fille honnête et naïve, et Madame Desforges, la maîtresse femme sûre d’elle qui use et abuse de ses charmes pour parvenir à ses fins.
Si la brièveté du film ne permet pas de rendre justice au livre, la trame est cependant respectée et les points importants sont mentionnés, si ce n’est réellement développés. Je regrette cependant que, à nouveau, l’accent ait été mis presque uniquement sur la romance, d’autant que Denise, qui n’est pas ici le personnage central de l’histoire, n’a pas beaucoup de personnalité. Tout l’aspect « étude de la femme » présent dans le roman n’existe pas dans cette adaptation.
A voir par curiosité pour le cinéma de l’époque et découvrir la trame globale de l’histoire.
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Pour conclure, si le roman de Zola vous fait peur et que vous souhaitez en découvrir un peu à son sujet avant de vous lancer, n’hésitez pas à tester une de ces adaptations, mais sachez que ni la série, ni les films présentés ici ne rendent justice à l’extrême richesse du livre et que ce dernier n’est absolument pas difficile d’accès. Donc, à choisir: lisez l’original!
J’ai lu ce pavé en classe de seconde. Malheureusement, je l’avais un peu vécu comme une corvée. Le début m’avait plu, mais nous avions tellement de boulot que finalement, cela me stressait de devoir lire un livre aussi épais, surtout en suivant le rythme imposé par la prof. Je trouvais ça chiant de devoir lire un chapitre, faire une pause, et puis trois chapitres, etc etc… Bref. Les conditions ont fait que je garde un souvenir plutôt désagréable de ma lecture, et c’est dommage. La série pourrait me plaire… Merci pour la découverte !
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Les conditions n’étaient pas idéales pour que tu l’apprécies 😉 Je l’ai lu aussi en seconde, mais pour une fiche de lecture, ce qui fait que j’ai pu le lire à mon rythme (et donc le dévorer^^). Mais c’est sûr que les lectures scolaires obligatoires font beaucoup de mal aux classiques…
Si tu regardes la série, tu me diras ce que tu en penses 😉
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Oui, avec plaisir. Après, je ne pense pas l’entamer de suite car je regarde peu la télé en ce moment. Mais bien-sûr, si je m’y mets, je viendrai te dire ce que j’en pense. 🙂
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Super 😉
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J’avais lu le livre en première, par simple curiosité, lors d’une grippe carabinée. C’est peut-être parce que ce n’était pas une lecture imposée mais je l’avais adoré et dévoré en un peu plus de 2 jours.
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On apprécie toujours plus un livre quand on n’est pas obligé de le lire ^^
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Ping : Défi cinéma | Du côté de chez Cyan
J’aime bien ce concept 🙂
Tu ne m’avais pas trop convaincue avec le livre (les classiques et moi ça fait dix mille), mais en voyant les adaptations je me dis que c’est clair qu’il vaut mieux lire le livre.
J’ai trouvé ça très intéressant les différents types d’adaptations avec ton décryptage.
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Merci, je suis contente que le billet t’ait intéressée 😉
C’est toujours délicat de conseiller des classiques, la plupart des gens en ont trop bavé à en lire à l’école pour avoir envie d’en lire encore une fois que rien ne les y oblige plus.
Ceci dit, de nombreux classiques valent la peine qu’on leur donne une change malgré leur mauvaise image. Tous ne méritent pas leur réputation de gros pavés barbants ^^
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Ping : Ce que j’ai lu en novembre | Du côté de chez Cyan
C’est un de mes livres préférés ! Je le relis chaque année. Par contre je n’ai pas aimé L’adaptation tv The ladie’s paradise, sauf pour les costumes toujours sympa. Mais le côté amourette gnangnan et les acteurs pas très bon n’ont pas aidé. Je ne me souviens même pas de la fin de la série, c’est dire ! Il y a eu une autre adaptation TV britannique quasi en même temps, dans laquelle joue Amanda Abbington, Mr Selfridge. Ce n’est pas exactement tiré du bouquin mais c’est similaire dans l’idée et l’époque. Je n’ai pas aimé donc pas regardé, mais ça peut être intéressant.
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Je suis d’accord avec toi pour les amourettes gnan-gnan, tout ce qu’il y avait d’intéressant sur l’émancipation des femmes est quasiment passé à la trappe… 😦
Pour Mr Selfridge, j’ai commencé à regarder et je ne suis pas spécialement fan non plus. Malgré les apparences, j’ai entendu dire que ce n’est pas une adaptation du roman de Zola, mais que la série est tirée d’une histoire vraie. Dans le doute je ne l’ai pas inclus dans mon billet 😉
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Oui, c’est l’histoire romancée d’un vrai grand magasin anglais, mais c’est très proche. Il me semble que cette série a du succès, mais je n’y arrive pas !
Effectivement, ce que j’aimais dans le Zola, c’était le fait que les personnages féminins existaient pour eux-même, avec leurs doutes, leurs erreurs, leurs espoirs, leurs déchéances aussi, et non pas juste le classique « être l’amour de quelqu’un et donc forcément être belle et charmante blabla ».
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On est d’accord sur toute la ligne 😉
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Aaaaaaah Ce livre est tellement bien!!!! Et Zola est tellement un grand écrivain, je l’adore!! 🙂 J’ai commencé à regarder la série, il faut que je me procure la suite! ^^
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Tu me diras comment c’est 😉
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Ping : Tag C’est dans l’R | Du côté de chez Cyan
J’avais regardé la première saison de la série, et plus j’avançais dans les épisodes, plus je trouvais que c’était une trahison du livre. Une histoire d’amour très sirupeuse, et – comme tu le soulignes – la dimension sociale a été escamotée.
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Il faut croire que l’original n’est plus au goût du jour… Dommage!
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